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dimanche 24 février 2008

de Broca













Le mouvement ou l'immobilité

La première fois que je l'ai vu, c'est lorsqu'il m'a reçu dans sa maison de campagne à Vert-sur- Yvelines ; il m'a présenté à son fils Alexandre, qui devait avoir dans les 14 ans, comme son biographe. Il n'avait pas un gros moral. Sophie Marceau venait de le planter au dernier moment sur un scénario qui lui tenait à coeur et son divorce avec Margot Kidder était encore récent.
Il m'a tout de même accordé presque deux bonnes heures, ce qui était beaucoup pour cet homme qui n'aimait visiblement pas rester trop longtemps en place.
Il allumait régulièrement de longues et fines cigarettes.
J'avais un petit cahier d'écolier sur lequel je prenais des notes.
Je l'entrepris presque immédiatement sur "Le cavaleur", lui disant tout l'amour que je portais à ce film et me risquant à lui dire que le personnage de Rochefort était probablement celui qui lui ressemblait le plus de tous ses films et il le reconnut volontiers.
La boucle est bouclée. Edouard Choiseul, pianiste concertiste de renom, tombe amoureux de la petite fille de son premier amour et, par là-même, réalise enfin que le temps passe.
de Broca a l'art de montrer les symboles de façon abrupte et pourtant légère.
Edouard s'essouffle à courir derrière sa jeunesse, qu'à cela ne tienne, on va le montrer... il court derrière Valentine et ne tient pas la cadence.
de Broca m'avait confié qu'il voulait Montand pour le rôle et qu'il avait été malheureux pendant les deux premières semaines de tournage. Cette scène où il fallait courir derrière une jeune fille de 17 ans était l'une des causes du refus de Montand. La deuxième est qu'il ne voulait pas porter une blouse grise comme le fait Choiseul à la fin du film lorsqu'il vit un moment chez son ami quincailler... édifiant!
Il n'empêche! Heureusement que Choiseul n'a pas été interprété par Montand qui l'aurait Césarifié ( "César sera toujours César et David sera toujours David" nous dit Romy dans César et Rosalie) ou nous aurait resservi le personnage du "Diable par la queue" là où Rochefort lui donne une digne humanité pleine de classe et de retenue.
Rochefort est merveilleux dans "Le cavaleur" ; il y apporte tout son charme et toute sa finesse.
Le titre même recèle ce second degré cher à l'auteur. Si Pierre Maillot, mon illustre professeur de scénario de Vaugirard, y voyait peut-être abusivement le chevalier, le cavaleur doit aussi être entendu dans son sens premier de celui qui court tout le temps et pas seulement du coureur de jupons. Car l'une des thématiques essentielles de de Broca est bien le mouvement. Le film avait failli s'appeler "L'art de le fugue", un bien beau titre également mais qui, contrairement à celui retenu, éclaire plus le sous-texte que le texte lui-même.
Lors de nos entretiens, de Broca m'avait souligné la rapidité avec laquelle on peut s'encroûter. "Prenez un chat, lorsqu'il est jeune, il est plein de vie et d'entrain et en quelques années seulement, ça devient un gros mâtou qui passe son temps à dormir !" . L'immobilité ou le mouvement... "Il y a l'amour, il y a l'action, et puis... rien" disait-il encore. Edouard n'aspirait pas forcément à s'arrêter, à se poser, mais le fait de devenir grand-père lui fait rêver d'immobilité : "Je m'assieds près de la cheminée et je ne bouge plus !" lance-t-il à tue-tête juste avant la séquence de fin, plus pour s'en convaincre lui-même qu'autre chose d'ailleurs.
"L'homme qui bouge cherche, l'homme arrêté sait." m'avait-il dit aussi. Mais, bien souvent, dans ses films, l'homme arrêté qui goûte le bonheur, goûte un bonheur bucolique fait de confitures, de campagne.
Dans "L'incorrigible", dont il n'aimait pas la fin, Guiomar et Belmondo étaient le même personnage au départ. Celui qui ne bouge plus et celui qui bouge. Le mouvement incessant du commissaire Tancrelle-Girardot face à la douce torpeur un peu ours de Noiret dans le diptyque "Tendre Poulet" "On a volé la cuisse de Jupiter" ou la mèche de cheveux tombante du Belmondo immobile et millionnaire des "Tribulations...", symbolisant son ennui avant qu'un peu d'action ne vienne égayer son existence morose jusqu'à ce que la mèche ne revienne, au final... Car l'immobilité finira par gagner, par nous gagner... on le sait tous.
de Broca était un cinéaste grave, exaltant le mouvement pour conjurer la mort, qui poussa l'élégance jusqu'à réaliser des comédies "légères" ou pointait toujours une vraie profondeur, par petites touches impressionnistes.
Il adorait Mozart car, disait-il, on se laisse toujours surprendre par la gravité chez Mozart. Exactement comme dans ses films !

2 commentaires:

yves a dit…

Vite, vite, le prochain épisode ! Ne nous laisse pas le bec dans l'eau, comme avec Francis Ryck !

pierrino 27 a dit…

Mais je n'en ai pas fini avec Ryck, tu penses bien! Simplement, l'inspiration est volatile.
Merci pour tes encouragements!